Si chaque rucksack de marcheuse avait une maison dedans, tout marcheur l'épouserait ou lui donnerait des enfants qui rempliraient la maison déployée sur les forêts comme une gentille tente à la piscine intégrée où plonger en sens inverse, ou s'élancer en pure flèche jusqu'à percer le ballon qui environne la terre, élastique, transparent ... Couleur ciel, matière nuage... Un sauna incorporé dans le K-way ou la cape... A bureau d'ordinateurs installé dans les greniers, c'est-à-dire dans ces grottes où les sherpas se rassemblent pour manger,faire la classe quand la tempête fait rage ou que le soleil brûle trop. On observe ces choses-là quand les treks sont au Thibet avant de revenir en France nous suggérer des marchés où écouler nos cahiers, nos stylos, nos boîtes de gouache. Ou pour nous citer l'exemple de vies pas encore ruinées sachant ce qu'elles souhaitent: vivre en plaine, travailler dans des bureaux dont les vitres lèchent la pluie quand l'automne perd ses feuilles, quand la neige monte, monte en couche blanche sur les trottoirs. En somme recommencer le cercle infernal des cycles qu'on croyait éliminé par la Roue de la Fortune, des expériences sans issue que certains veulent refaire et des chances inversées pour relancer à zéro le compteur de l'Humanité. Si chaque rucksack de marcheuse avait une maison dedans, on verrait moins de marcheurs ( ou peut-être davantage) s'embarquer pour les sommets, polluer le bord des sentiers des marathons de la planète. Sans goût pour les orangeades en containers de métal, ils viendraient boire l'eau des sources, ils creuseraient sur les pentes des puits cernés de jardins. Si chaque rucksack de marcheuse avait une maison dedans, tout marcheur s'y enracinerait lentement mais sûrement en champignon-pilier d'un embryon de foyer et d'une ombre de cabane fondue dans le paysage.
Extrait de " Autant de maisons qu'en nourrit le monde." 2010
